Afrique, bouillon de vie, Europe, brouillon de vie
Voici un petit texte que j'ai écrit afin de relater mes impressions, par mail, à des amis. Finalement, je me suis un peu laissé emporter par le mot, encore secoué par le charme vibrant d'un continent enchanteur.
Lorsque mon ami poète Marien m'a informé qu'il partait au Togo afin d'accompagner une troupe de conteurs lors d'un festival de contes solidaires, j'ai tout de suite vu là une occasion unique de découvrir de multiples facettes de la culture africaine: les conteurs, et au travers eux, les contes; les contes, et à travers eux, un patrimoine immatériel nourri par l'histoire.
Si l'Afrique ne peut se réduire à un pays, le directeur de l'association "La Cour des Contes" m'invita à embarquer dans sa caravane des contes afin de découvrir ce qu'il appelait l'Afrique en miniature. En effet, le Togo est une sorte de kaléidoscope étroit dans lequel se reflète en vis-à-vis une myriade de peuples, de traditions, d'histoires, de paysages aussi.
Je voulais me détacher de la position contemplative habituelle du touriste et listais mes compétences au Directeur. La mission qu'il me confia fut de réaliser un carnet de voyages*.
Je voulais me détacher de la position contemplative habituelle du touriste et listais mes compétences au Directeur. La mission qu'il me confia fut de réaliser un carnet de voyages*.
Ce qui marque, lorsque l'on débarque de l'avion, c'est la chaleur. Et la sueur qui en découle, ce sont les larmes chaudes d'un corps ému de retrouver son berceau. Si la chaleur, là-bas, avait une origine, je dirais qu'elle ne vient pas du Soleil, mais plutôt du mouvement qui électrise les foules. Lors de mon séjour, je remarquerai que l'on se retrouve malgré soi mêlé à ce bouillon de vie et qu'il est vain de résister car la mollesse a peu d'excuses tandis que partout est une invitation à la rencontre. Tout est lié en Afrique, surtout les gens.
Souvent, l'imprévu pointe sa nez. Tantôt il nous séduit, tantôt il nous agace par les situations qu'il occasionne. Cela dit, l'humain se situe sans nul doute dans cette marge d'erreur si particulière qui fonde la vie, et que réduit en grande partie la modernité.
Il y a autre chose que j'ai pu (re)découvrir par le prisme du conte, c'est l'importance de l'oralité, oralité qui semble inscrite dans l'ADN de la population. Lors des discours, les nez les moins conditionnés hument les flagrances essentielles de l'oralité et de l'éloquence que sont la manifestation de l'attention envers autrui, la puissance de la voix, le charisme affirmé, le rythme teinté de silences délicatement pesés.
Tant de charmes au millimètre carré, comme vous le voyez, maintiennent dans une sorte d'extase qui donne aux yeux des autres un air benêt.
Lorsque je revins, les courbes dessinées par l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle dissimulaient tant bien que mal des poutres rectilignes. Alors que je m'engageais dans le couloir, le courant alternatif qui unissait les gens était devenu continu. Tous semblaient avoir hâte de s'engager dans le premier RER ou le premier taxi venu. Lorsque j'essayais d'enclencher une conversation avec mon voisin - quand au moins j'y arrivais - cela tombait finalement à plat, comme un pneu de vélo se dégonfle progressivement dans une montée.
Mais le pire, ce fut la PAF (Police Aux Frontières) qui formait une barrière peu accueillante en filtrant les passagers pour en interroger quelques-uns. C'est donc comme cela que l'on accueille l'Etranger en France? Quelle impudeur, quel affront à l'esprit d'hospitalité, quelle honte pour moi qui, partout, étais accueilli avec le sourire. J'ai à peine franchi quelques dizaines de mètres que je retrouve là les principaux attributs de ce que l'on appelle la "Civilisation".
La question suivante ne mérite-t-elle donc pas d'être posée: Afrique, bouillon de vie, Europe, brouillon de vie?
*ce carnet de voyages devrait être tiré à plusieurs exemplaires et vendu au profit intégral de l'association la Cour des Contes
*ce carnet de voyages devrait être tiré à plusieurs exemplaires et vendu au profit intégral de l'association la Cour des Contes